Pierres qui roulent…

Après Le chien, la neige, un pied, dans un pays de mon­tagnes les per­son­nages sont sou­mis aux mou­ve­ments des pierres dans la bonne herbe. Tout est drôle dans ce lieu où elles se mettent à rou­ler et croître pas très loin de Sos­ti­gno.
Il s’agit de remon­ter le temps pour com­prendre com­ment tout est devenu instable au moment où n’y a plus de sai­sons ou plu­tôt lorsqu’elles s’entassent les unes sur les autres en une même année, si bien qu’il neige en été. La trans­hu­mance des vaches est per­tur­bée par celle les pierres qui com­mencent à sub­mer­ger les villageois.

Sous forme de conte enfan­tin, le rire est omni­pré­sent et cruel en une catas­trophe annon­cée com­pa­rable à L’avenir est dans les oeufs de Ionesco. Le livre se crée à mesure que se déve­loppe un drame aussi social que sur­réa­liste.
La lit­té­ra­ture fonc­tionne à plein et crée un plai­sir cer­tain par son réa­lisme magique du conte per­ché où les pierres s’en prennent d’abord au curé. Il y a du Ramuz et de l’Italo Cal­vino dans cette inva­sion minérale.

Pepe Rama­glia le gué­ris­seur tente d’intimider les pierres. Un mage essaye d’exorciser la mai­son conta­mi­née avant que cha­cun se contente de pré­pa­rer une soupe de pierres — faute de mieux. Sans pas­tiche ou pos­tiche, le roman pour­suit sa route très par­ti­cu­lière. Aucun risque de “décep­ti­vité” dans ce voyage où l’absurde va jusqu’au bout, sans le moindre souci de sym­bo­lisme ou de clé.
Le monde avance en se détrui­sant et se recons­trui­sant par le jeu per­pé­tuel où la nar­ra­tion fait loi comme dans tout conte digne de ce nom.

(Jean-Paul Gavard-Perret, lelitteraire.com)

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