Un de ces livres qu’on attrape par hasard dans les rayons d’une librairie et qui vous convainc en moins de deux : Morandini est un vrai conteur, secret et étrange, qui sait à merveille vous raconter une histoire et vous prendre peu à peu dans une sorte d’envoutement assez profond. Tout commence comme une comédie, ou plutôt une tragi-comédie : un vieil ermite misanthrope coupé de tout dans sa montagne descend au village faire ses provisions pour l’hiver, mais il a simplement oublié qu’il y était déjà descendu la veille. Début d’une folie qui va l’amener très loin, cet événement va déclencher une suite d’aventures de plus en plus sombres qui vont s’abattre sur notre gars. Ça commencera par la rencontre avec un chien collant, avec lequel la conversation va se faire en toute franchise, puis par un hiver particulièrement rude où, la faim et la solitude aidant, notre héros va vraiment vriller et plonger dans un délire morbido-paranoïaque salé. Tout est raconté depuis le point de vue de ce formidable personnage, c’est-à-dire du point de vue d’un cerveau attaqué par les premiers signes de la sénilité. On trouve donc tout à fait normal que le chien se mette à parler comme vous et moi, que les cadavres fleurissent autour de la cabane du vieux, tout comme on a accepté sa solitude totale au début, sa misanthropie acharnée et son peu d’attachement à l’hygiène corporelle (le livre est une symphonie d’odeurs, de croûtes et de détails peu ragoutants). La sensation est d’ailleurs un des moteurs du livre, très sensoriel et incarné : on y éprouve non seulement la crasse du personnage, mais le froid effrayant qu tombe sur le livre à mi-chemin, la faim du héros, la sensation d’être seul au monde. L’arrivée d’un garde-chasse dans cette histoire de solitude va bouleverser le monde d’Adelmo Farandola, d’autant que ce nouveau personnage est inquiétant, mu par d’opaques desseins. Le roman, peu à peu, vire alors à la farce macabre, au conte fantastique, et Morandini ira loin dans cette veine, jusqu’aux entrailles de la terre pour ainsi dire. Tout ça est fait avec une fausse légèreté et un humour à double tranchant qui marquent des points : d’un abord très simple, d’une écriture presque basique, le roman raconte son histoire en forme de spirale et nous entraine avec lui sans qu’on l’ait vu venir. C’est la fluidité du style, alliée à ce talent pour faire ressentir les sensations de la nature et des corps, qui fabrique la fascination qu’on a pour cette histoire : on se retrouve au bout du truc dans un semi-cauchemar alors qu’on a eu l’impression, tout du long, de lire une comédie. La Neige, le chien, un pied est un livre très surprenant, entre Buzzati et Maurice Pons ; pas un chef-d’œuvre, non, mais un bouquin qui vient vous hanter dans vos nuits…

(Shangols)

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