Si l’Italie évoque le soleil, la chaleur ou l’intensité de la lumière estivale, c’est à l’opposé de ces clichés que nous embarque cette lecture. Dans ce roman, une jeune universitaire, ethnomusicologue, vient s’installer quelque temps dans le petit village italien (fictif) de Crottarda. Enfant, elle y est venue quelques étés durant les vacances avec ses parents « en quête de fraîcheur ». Crottarda n’a effectivement rien de chaleureux : encaissé au fond d’une vallée peu accessible, il n’y a quasiment jamais de soleil — la moitié de l’année, pas un seul de ses rayons ne touche le village. L’ethnomusicologue est attirée par le lieu, car elle y avait entendu, de mystérieux chants de bergers, ou plutôt leurs appels. Elle souhaite les étudier car ils ne ressemblent à rien d’autre de connu dans son domaine de recherche. Elle s’installe dans un hôtel miteux, humide comme l’ensemble du village : « L’humidité funeste […] envahit tout ici, barbouille les murs de moisissures, fait ployer les colonnes vertébrales des vieux, provoque des névralgies épouvantables chez les plus faibles, couvre les champs et les potagers de givre bleuâtre jusqu’à la fin du printemps ». Elle partage sa chambre avec Bernardetta, une adolescente insolente et quelque peu lunaire. Les autres habitants de Crottarda sont rustres et bien peu accueillants. Ils vouent une haine au village d’en face, Autélor, qui bénéfice d’un ensoleillement exceptionnel. La jeune chercheuse se sent en décalage complet avec les Crottardais : leurs attitudes sont curieuses, parfois hostiles envers elle, perçue comme « la citadine », éduquée, qui vient ici pour des motifs qu’ils ne comprennent pas bien. Peu à peu, elle se met aussi à douter : les chants de berger sont-ils authentiques ? pourquoi personne d’autre ne semble les entendre ? que fait-elle ici ? Ce roman, sans véritables repères géographiques ni temporels, rappelle Les Saisons de Maurice Pons ; au fil des pages c’est l’obscurité et l’étrange qui prennent le pas.

(M. B., Ballast Revue)

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