Rentrée littéraire 2021, Les grands crus de La Curieuse – Cuvée n° 3

Claudio Morandini, « Les oscillants » … Quand la littérature de l’ailleurs nous renvoie à l’ici

A tous les amoureux de la montagne, des bergers, des villages perchés et de la littérature, ce livre va vous ravir, au sens premier du terme : il va vous « kidnapper » à Crottarda, village imaginaire, personnage principal du roman, et vous ne pourrez vous empêcher d’y voir, un peu, beaucoup, de la vallée d’Ossau. C’est l’un des tours de magie de la littérature, nous faire voyager entre l’ici et l’ailleurs.
Le voyage est ici celui d’une jeune ethnomusicologue voulant collecter des chants de bergers entendus enfant à Crottarda, lieu de villégiature estivale avec ses parents. Mais Crottarda n’est pas un village comme les autres. C’est un village à l’ombre, au froid, aux « légumes immatures et pâlichons » (p. 37), où les bergers n’ont pas à aller récupérer les vaches dans les prés : « ils les trouvent déjà toutes devant l’entrée de l’étable, comme des clients attendant l’ouverture d’un magasin » (p. 94). Ce sont des « vaches démocratiques » (j’adore ce passage) « qui n’éprouvent pas le besoin de se défier pour se lancer dans le cursus honorum bovin, elles restent toutes égales, elles ménagent leurs cornes, tout au plus se donnent-elles un petit coup de muffle » (p. 94).
Conte philosophique en même temps que fable ou farce ethnologique, on rit également beaucoup avec « les oscillants ». On rit de la lutte et des charivaris avec le village d’en haut, Autelor, où les habitants, « Ceux-Là », « sont bronzés même en hiver, se promènent en T-shirt en février et se plaignent dès le mois de mars de la chaleur insupportable ». On rit avec Madame Verdiana, l’hôtesse revêche, Bernardetta, la jeune fille sans passé, le vieux monsieur Amadeo, qui reproduit à l’infini les mêmes sculptures en bois, les bergers, qui chantent (enfin vous verrez…) pour communiquer d’un vallon à un autre (#siffleurs d’Aaas). Mais le rire de la première partie du livre laisse place au mystère, à l’étrange : pourquoi n’y-a-t-il pas de cimetière à Crottarda ? Que cache dans la cave Madame Verdiana ? Qui est Bernardetta?
C’est là tout le talent de Claudio Morandini (auteur également du très surprenant « Le Chien, la neige, un pied », que je vous invite à lire et « Les Pierres », qu’il me tarde de découvrir), de brouiller les pistes, entre le burlesque et la peur, la « commedia dell arte » et le mystère.
J’ai beaucoup aimé osciller avec Claudio Morandini… et vous ?

Le vin qui peut accompagner « Les oscillants » : un Saint-Chinian, Roches Noires-Cave de Roquebrun, histoire de mettre un peu de soleil à Crottarda !

(La Curieuse Librairie Troquet, Arudy)

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