(…) Me voilà donc partie à Crottarda, en compagnie de la jeune ethnomusicologue et, bien vite de Bernardetta (personnage génial), sur cette montagne qui n’offre que rarement quelques rayons solaires au village humide et froid, tandis qu’en face, le village rival est totalement exposé au soleil. On raconte qu’avant, les habitants étaient les mêmes, mais qu’ils déménageaient en fonction des saisons. Désormais, les deux villages rivaux se haïssent et se jouent de mauvais tours.
Les oscillants, ce sont les habitants de Crottarda ; du moins, c’est le nom que donne la narratrice à ces habitants étranges, rabougris et blagueurs sans gaieté, toujours en train d’hésiter, et de finalement faire du surplace dans cette montagne ombrageuse, suintante et très vite inquiétante.
Qui sont ces bergers qui chantent à l’aube ? D’où viennent ces cris ou ces pleurs aux tonalités inédites ? Où est le cimetière ? Que font les habitants toute la journée ? D’où leur vient cette passion pour les accoutrements les plus saugrenus, visant à effrayer le touriste (pourtant rare) ?
Voilà les questions que vous vous poserez à la lecture de ce roman envoûtant dont l’humour n’est pas la moindre des qualités. Les relations entre la narratrice et sa colocataire imposée, Bernardetta, jeune fille fantasque, esseulée, oisive, envahissante au possible, exaspérante et terriblement touchante, apportent énormément à l’histoire. On se demande si la jeune fille est à moitié demeurée ou bien si elle n’incarne pas l’esprit torturé, grotesque et tragique à la fois, des souterrains de la montagne, qui recèlent l’histoire de ladite montagne, et donc quelque chose de l’ordre du métaphysique, le secret des origines en quelque sorte, l’inconnu, l’inatteignable, l’énigme ancestrale.
Le voyage en tous cas vaut le coup. J’ai aimé cette atmosphère de buée, d’ombre et de roches, le mystère des attitudes de ces oscillants, leur affabilité excessive suivie immédiatement d’un repli grossier, la recherche polie de la narratrice, sa lente glissade vers l’égarement total. C’est drôlement original et originalement drôle. Tiens voilà que j’oscille moi aussi entre deux tournures, c’est contagieux, je le savais (…).

(Mme Pastel)

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